Je suis venue aux beaux-arts après m’être intéressée aux arts de la scène et au spectacle vivant, le théâtre, la danse, la chanson; j’ai cherché à m’exprimer par le corps dans toutes ses potentialités , la voix, le langage, la danse, le geste. Mes films sont dans cette continuité. J’ai souvent l’impression de faire des films comme un metteur en scène, le cadre de scène se substituant au cadre de la caméra. Mon goût pour le spectacle, la théâtralité, l’artifice infusent ma manière de filmer. J’aime la générosité de ce vocabulaire, son emphase.
Je m’inspire des comédies musicales, genres hybrides et populaires. Je puise dans les formes mineures, la chanson, les comptines, la mode. Je préfère les petites poésies insidieuses aux romans fleuves. Mes images ont quelque chose de la mie de pain. Je cherche le substantiel, un langage simple, des symboliques qui sont des référents communs.
Je tourne majoritairement en studio, je me coupe du réel, parce qu’il me semble plus facilement regardable, visible, critiquable aussi. Les corps seuls dans la lumière artificielle, et les situations sont décontextualisés, quelques accessoires seulement pour signifier.
Je puise autour de moi des situations vécues ou racontées, qui m’ont marquée, des paroles et des images parce qu’elles mettent en tension la difficulté du vivre ensemble, des échanges, de l’amour, de la différence culturelle, une poésie quotidienne grinçante.
Je raconte l’autre, les rapports humains, leur complexité, leur violence parfois notamment la violence sociale. La réalité crue trouve à émerger dans un langage vivant, festif, heureux, coloré, mystérieux. Ce décalage m’intéresse. Mes films peuvent basculer à tout moment dans un registre tragique ou une drôlerie. Ils sont sur un fil. Il y a du drame parce qu’il y a de la légèreté. J’aime jouer ; Avec l’image, avec les mots, avec les acteurs, avec les conventions. La dérision possède l’élégance de rire encore quand on n’a rien. Le rire est politique.
La communauté est au cœur de mon travail artistique. Elle s’invente dans et par le film. Mes rencontres font partie du processus mais elles sont en soi une finalité. L’art est une ouverture sur l’autre. Inventer un groupe, fédérer, c’est ma manière de faire « politiquement des films ». Je m’attache à redonner de l’humanité. Je choisis mes acteurs pour ce qu’ils sont. Souvent amateurs ou inexpérimentés, ils m’intéressent en tant qu’individu. Leur humour, leur présence, leur fragilité. Je souhaite les laisser transparaître derrière le rôle, je fais presque des portraits. Le film est un endroit d’expression de cette vitalité, de ces singularités, une aventure humaine.